Carnet amoureux de Beyrouth

Posted on 31 août 2009

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Le bruit incessant des voitures et des bulldozers,  les nuits bouillantes de Gemmayze, les jours étouffants en remontant a pied vers Achrafieh, le melange des burkas, des foulards et des minis jupes, la fumée des narguilés, les chats errants, le chant entêtant du muezzin, un verre d’Arak dans un bar de Hamra, les pêcheurs a la ligne le long de la Corniche, des plats de houmous, de soujouks et de motabal, des manouches chauds brûlants, des trajets haletants en taxi service. Un mois et s’en va. C’etait mon Beyrouth.

Quelle ville. Quelle ville ou rien n’est comme ailleurs. En arrivant, tout semble normal.  Du béton, des voitures, des bars, des gens pressées.  Et dans un premier temps, Beyrouth n’a rien de spécial. On rencontre des Libanais, ils parlent de leur  pays avec passion, donnent envie de le découvrir. On le découvre, et forcément on le trouve beau, de Baalbek à Byblos, de Tyr à Tripoli. Pourtant il manque quelque chose. On apprécie son séjour au Liban oui-mais. On s’impatiente.

C’est justement ce qu’il ne faut pas faire. Car c’est quand on ne l’attend plus que  Beyrouth se livre. Il faut du temps, plusieurs semaines et sans doute plus encore, pour comprendre que c’est Alexandre Najjar qui résume tout lorsqu’il dit de Beyrouth qu’elle est une « femme violée ».

Parce que comme une femme violée, Beyrouth reste digne et présente au voyageur qui la rencontre un visage plaisant juste ce qu’il faut. Parce comme une femme violée, Beyrouth porte des séquelles, mais fait en sorte de les cacher, tente de les oublier. Parce que comme une femme violée, Beyrouth ne se livre qu’a celui qui se prouve digne de sa confiance ébranlée. Pour la mériter il faut l’aimer. Et on aime Beyrouth comme on aime une femme: sans vraiment savoir pourquoi, mais avec une attirance inévitable et une conviction intime. Peu a peu, Beyrouth sait rendre cet amour.

Beyrouth m’aura fait attendre, mais avant que je ne la quitte, m’aura accepté. La larme à  l’oeil dans le dernier taxi service, qui me ramenait vendredi soir à Hamra. Je ne sais toujours pas vraiment pourquoi j’aime cette ville, mais je sais qu’elle est désormais dans mon coeur. Mon coeur pincé samedi lorsque Beyrouth disparaissait, immeuble après immeuble derrière les montagnes qui m’emmenaient vers la plaine de la Bekaa, puis Damas. Beyrouth ne s’explique pas, elle se vit. Et se donne à ceux qui veulent d’elle. Comme Venise ou Helsinki, je reviendrai toujours.

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