Un reportage dans sur un chantier de résinsertion peut cacher de tout. Surtout de l’émotion.
Un matin normal à France Bleu Picardie, conférence de rédaction et attribution des sujets. J’hérite du chantier d’insertion des jeunes dans la banlieue « sensible » d’Amiens Nord.Plutôt content, les précédentes expériences étaient assez enrichissantes.
Pas question de mecs qui ont un peu planté leur vie, ou en ont planté d’autres, comme on me l’a annoncé, ou comme je l’ai cru. Dès qu’on dit « insertion » et banlieue, aujourd’hui, ça rime tout de suite avec délinquance. Ils sont dix, âgés de 16 à 20 ans, victimes de « déficience intellectcuelle moyenne ». Je ne savais pas qu’un truc pareil existait, le terme je veux dire. Ca doit être agréable à porter, le fait d’être « intellectuellement déficient ». Vous me direz c’est moins rude que d’autres.
Ils sont dix donc, à bosser dans la cour d’une école maternelle depuis une semaine. Ils peignent des marelles, des escargots, des pistes cyclables, poncent des trucs, en coupent d’autres, pour que les gamins retrouvent une cour de récré digne du nom à la rentrée. Le reste de l’année ces dix jeunes sont en formation théorique et surtout pratique à l’Institut Médico-Ecducatif de la Somme, une association agrée par l’éducation nationale pour prendre en charge ceux dont le système scolaire refuse de s’occuper. On leur apprendd des métiers: cuisiniers, maçon, couturier, etc.
Je dis que je suis journaliste (enfin stagiaire), que j’aimerais parler avec un responsable et quelques jeunes. On m’amène Rémy et Sabrina. Et Sabrina, avec ses 18 ans, elle se lâche. « Ce chantier ça nous permet d’apprendre des métiers, de savoir ce qu’on peut apprendre par rapport aux autres. (C’est-à-dire) ceux qui sont, on va dire, moins retardés (que nous), parce que de toute façon on est considérée comme ça, on le sera toujours. On sera toujours vus comme des gens pas normal, toujours plus bas que les autres. »
Elle me dit ça presque d’une traite, les yeux qui ne décollent pas du mur en face d’elle. Inflexible, normale. Sa « déficience », Sabrina, elle l’a apprivoisé. Miantenant elle la dompte. Bientôt, quand elle aura trouvé son métier, elle la matera. Elle a une revanche à prendre: elle rêvait de devenir pompier, mais elle ne peut pas. A cause des cachets qu’elle « a toujours sur elle », parce qu’elle doit en prendre tous les jours. « Je suis malade, c’est comme ça ».
Pour se rendre compte de l’admiration qu’on doit à ceux que la vie a décidé de punir dès qu’ils sont sortis du ventre de leur mère parce qu’ils l’ont bien mérité, il suffit de quelques mots, il suffit d’une rencontre.
Posted on 20 juillet 2009
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